La rumeur, cette vieille arme politique remise au goût du jour par les réseaux sociaux, continue de faire des ravages. En l’espace de quelques heures, une vidéo diffusée sur TikTok prétendant que les ministres sénégalais de la Justice, Ousmane Diagne, et de l’Intérieur, Jean Baptiste Tine, avaient démissionné a circulé à grande vitesse, engrangeant des milliers de réactions et partageant une onde de choc dans l’opinion. Pourtant, aucun fait avéré, aucune déclaration officielle, aucun indice crédible ne venait appuyer cette prétendue démission. Alors, pourquoi cette mise en scène ? Et à qui profite-t-elle ?
Dans un contexte où la tension politique reste palpable, certains cercles semblent miser sur le chaos informationnel pour affaiblir l’édifice institutionnel. Ce n’est pas un simple montage vidéo qui est en cause ici, mais une manœuvre stratégique. En ciblant deux des ministres les plus sensibles du gouvernement – la Justice et l’Intérieur – les auteurs de cette rumeur visaient précisément les piliers de l’autorité étatique. Le message implicite : l’État vacille, les gardiens du système jettent l’éponge, le chaos approche.
C’est cette sensation d’effritement qui est recherchée. Ce genre de contenu n’est pas produit par naïveté mais bien par calcul. Il ne s’agit pas de simples “fake news” alimentées par des jeunes en mal de buzz, mais d’une offensive informationnelle réfléchie, parfois coordonnée. Certains milieux hostiles à la stabilité institutionnelle, qu’ils soient nostalgiques de régimes anciens ou activistes radicaux, y voient un terrain fertile pour faire avancer leurs desseins.
Le plus inquiétant, ce n’est pas que ces vidéos existent. C’est qu’elles trouvent un écho immédiat et puissant, sans que le public n’exige la moindre preuve. L’absence de réflexe critique devant l’information numérique permet à ces manipulations de prospérer. Plus que jamais, la désinformation est un poison lent : elle érode la confiance, affaiblit les repères et installe un climat de suspicion généralisée.
Il devient urgent de réarmer l’esprit critique. L’éveil citoyen ne peut se limiter à l’indignation ou au partage aveugle. Les institutions démocratiques, aussi imparfaites soient-elles, ne peuvent être évaluées à travers le prisme d’un réseau social. Derrière chaque fausse information qui circule, c’est une tentative d’usurpation de l’espace public qui s’opère.
Ce n’est donc pas seulement le ministre de la Justice ou celui de l’Intérieur qui étaient visés. C’est le contrat de confiance entre l’État et ses citoyens. Et ce contrat, il faudra désormais le défendre non seulement dans les urnes, mais aussi sur les écrans