Chronique BTV : QUEL SYSTEME EDUCATIF POUR QUEL CHANGEMENT? Par Demba Ndimbelane et Amadou Faye.

«  L’éducation nationale est démocratique : elle donne à tous des chances égales de réussite. Elle s’inspire du droit reconnu à tout être humain de recevoir l’instruction et la formation correspondant à ses aptitudes, sans discrimination de sexe, d’origine sociale ou de race, d’ethnie, de religion ou de nationalité. […]

 L’Education Nationale, au sens de la présente loi, tend: à préparer les conditions d’un développement intégral, assumé par la nation toute entière: elle a pour but de former des hommes et des femmes capables de travailler efficacement à la construction du pays; elle porte un intérêt particulier aux problèmes économiques, sociaux et culturels rencontrés par le Sénégal dans son effort de développement et elle garde un souci constant de mettre les formations qu’elle dispense en relation avec ces problèmes et leurs solutions. »

C’est par cet extrait de la loi d’orientation no 92.22 du 16/02/91 que nous comptons commencer notre article. C’est pour, d’une part, rappeler les intentions du législateur et d’autre part, faire l’évaluation de ses objectifs déclarés.

Il y’a donc un fossé énorme entre les intentions déclarées et les démarches adoptées pour la réalisation de ces déclarations de politiques. L’école se veut égalitaire mais, sans en être consciente, favorise quelque chose qui correspond en très grande partie uniquement à la classe supérieure. C’est la raison pour laquelle Pierre Bourdieu du courant holiste pense que l’école ne fait que générer de la reproduction sociale et c’est exactement ce qui se passe sous nos cieux. Sans parler des programmes, des approches et des méthodes qui atteignent peu ou prou les objectifs de développement déclarés, l’école sénégalaise reste étranglée et se cherche. On encourage toujours la scolarisation massive, on demande sans cesse  à la communauté de croire à l’école: mais quelle école?  Nos sols sont riches mais on n’y sème que la graine pourrie du paradoxe.  

Pour prendre en considération toutes ces interpellations, essayons de répondre à cette question:

QUEL SYSTEME EDUCATIF POUR QUEL CHANGEMENT?

La remotivation de l’enseignant, un défi préalable.

Les enseignants de l’élémentaire souffrent énormément. Ils travaillent dans des conditions inadmissibles. Déployés dans le Sénégal des profondeurs sans aucun accompagnement, ils sont laissés à eux-mêmes. Malgré les conditions de vie jugées déplorables, ils s’adaptent très vite. Combien d’enseignants fraîchement sortis des centres de formation sont affectés à des quarantaines de kilomètres de leurs localités. Parfois seuls dans leurs écoles et candidats au CAP, de surcroît, ils ne bénéficient d’aucun encadrement. 

Certains ne voient la tête d’un inspecteur que le jour de la commission. Et c’est souvent pour noter des manquements, des carences, des difficultés à mettre en œuvre telle ou telle leçon; bref, à étaler un candidat qu’on juge pédagogiquement inapte mais qui va continuer à « tâtonner » et à « expérimenter » son savoir-faire sur des êtres humains aux pieds d’argile, en initiation à la vie. 

Certains inspecteurs, au lieu de se comporter en collaborateurs, ils font le gendarme. Ils excellent dans les règlements de compte futils et sans liens considérables avec l’école. Les syndicats d’enseignant sont témoins de beaucoup de faits qui n’honore en rien notre métier mais ils gardent la bouche bée parce que leur carrière n’en pâtissent guère. 

Des enseignants qui travaillent comme des fous mais qui sont manqués de respect, humiliés pour des raisons inavouées, il en existe assez au Sénégal. Et pour un système performant, il faudra reconsidérer le premier intrant sans qui rien ne peut se faire : l’enseignant.

De nouvelles exigences pour les postes de responsabilité 

L’autre problème qui gangrène notre système c’est que l’attribution de certains postes de responsabilité est parfoisbasée sur des raisons complaisantes et politiques.

On confie des responsabilités à des gens pas parce qu’ils sont compétents mais parce qu’ils sont recommandés par tel responsable ou telle autre connaissance. Il y’a un labyrinthe de lobbying qui bourre le fonctionnement normal des choses. 

Les diplômes ne sont que des présomptions de connaissances. L’Etat recrute sur la base d’un concours où les meilleurs sont sélectionnés selon le nombre de postes disponibles. C’est vrai que tous les diplômés ne peuvent pas prétendre à un emploi dans la fonction publique. 

Le lien que nous voulons faire ici c’est que de la même façon que le recrutement dans la fonction publique se fait selon les règles de mérite, de la même façon l’attribution des postes de responsabilité dans l’administration de manière générale doit être basée sur le mérite. 

Dans le milieu scolaire, pour être directeur d’école, surveillant général, principal, censeur ou proviseur, l’agent doit être gradé en plus d’avoir un certain nombre d’année d’expériences et compétiter au mouvement national ou académique. 

Mais cela ne suffit pas à nos yeux. Être gradé peut ne pas signifier être compétent et accumuler des années d’expérience peut s’avérer improductif quant à la capacité à tirer une équipe du bas vers le haut. Les performances peuvent se mesurer et doivent être mesurées. Nous croyons qu’il est temps de reformer certains us et coutumes.

On peut bien organiser des concours ou des tests de recrutement de directeurs d’école, de principaux, de proviseurs où il sera question d’évaluer le niveau académique, la capacitémanagériale non sans oublier une enquête de moralité à la base. 

Et, envisager, en appoint des programmes de capacitation en management responsable. Nous sommes dans un monde de compétition où les meilleurs et les plus justes parmi les hommes doivent être devant. Et plus haut encore que la désignation d’IEF et d’IA au niveau déconcentré réponde à plus d’exigences.

L’atmosphère scolaire dépend pour une grande part du caractère de la personne morale qui en a la direction. Le milieu scolaire est dans beaucoup de cas conflictuel et le plus souvent le directeur ou la directrice en est l’artisan premier.

Les chefs des circonscriptions éducatives, en l’occurrence les IEFs et les IAs en témoigneraient certainement du nombre de litiges et de conflits qu’ils sont appelés à résoudre au quotidien entre les directeurs et leurs adjoints.

Or, il est nécessaire et possible de fournir des directeurs prompts à installer un climat de travail propice et productif. Cela participerait, par la même occasion, à motiver davantage les enseignants, le premier intrant.

Un nécessaire élargissement de l’apprentissage des métiers

Il est louable de penser à introduire l’apprentissage des métiers dans les daaras modernes. Cela répondrait sans doute à l’inquiétude de doter les talibés d’une qualification professionnelle facilitant leur insertion dans le milieu de l’emploi. Une réponse opportune à une inquiétude légitime.

Cependant, il est une réalité à ne pas perdre également : » tout le monde ne peut pas réussir à l’école’’. Les faibles tauxd’achèvement des cycles en attestent malheureusement et la réalité des classes encore plus amèrement. Nous pensons qu’il est tout aussi impératif d’introduire l’apprentissage des métiers à l’école dès le cycle primaire. Pour palier à la faiblesse du taux d’achèvement scolaire ou au pire à permettre ceux qui devront la quitter à avoir des qualifications, des emplois dont ils pourraient vivre. Une collaboration avec les chambres de métiers pourrait en faciliter la faisabilité.

À ce titre, le concept « d’ école-pilotes » initié au courant des années 1990 demeure une bonne illustration de cette nécessité.

Pour un budget de pratique et pour une articulation linguistique nationaliste

La plupart des fonds alloués à l’éducation et les financements des Partenaires techniques et financiers étrangers sont consacrés à des séminaires plus destinés à justifier des bouffes de fonds plutôt qu’à servir à performer un système éducatif qui doit impérativement être pansé et repensé.

Nous ne disons, cependant, pas qu’il ne faille y avoir de séminaires mais ceux exorbitants qui ne portent sur presque rien et se tiennent dans des hôtels cinq étoiles nous devons nous en défaire.

Combien de ces millions auraient pu servir à remplacer des abris provisoires par des constructions décentes. Les programmes des directions du ministère doivent être passés au peigne fin et articulés selon les besoins pratiques de la pratique générale des classes. Une autre inquiétude concerne l’articulation linguistique. Si l’anglais est introduit comme langue d’apprentissage et les langues nationales utilisées ne risque-t-on pas d’embourber les jeunes esprits de jeunes enfants dès l’élémentaire.

Alors qu’au même moment le même surmenage est décrié dans les cycles moyen et secondaire.

Il y a certes à gagner à obtenir des produits compétitifs au plan mondial mais nous préférons qu’ils soient d’abord véritablement enracinés.

C’est pourquoi, s’il y a à préférer entre l’anglais et le wolof, comprenez notre choix. L’apprentissage en langues nationales serait non seulement le prétexte d’un enracinement profond et d’une réappropriation de notre histoire propre et pour le moment biaisée mais également ce serait un regain énorme de temps dans le réinvestissement des aptitudes acquises lors des séances d’enseignement apprentissage.

L’éducation populaire un appoint et une exigence 

La complexité de la question de l’école en particulier et la connexité pour ne pas dire la transversalité des réponses à apporter à la construction ou à la reconstruction d’un système éducatif, en général, tiennent en grande partie au concours de facteurs exogènes qui ne le sont que de moitié.

En effet, la famille, la rue et maintenant l’internet sont des aspects à contrôler si nous voulons faire un saut qualitatifprobant et pour les besoins duquel il est est nécessaire d’avoir un capital « humain » de qualité.

Pour notre part, nous n’exclurons guère une rééducationpopulaire et un redressement pour ainsi dire comportemental. 

Nous n’exclurons pas moins l’intégration et  la pratique journalière de méditation dans l’école comme c’est instauré dans certains pays comme le Canada ou encore la Belgique.

Et pourtant pour ce que ça pourrait valoir. Dans les années 1980, l’administration Diouf (Abdou) avait décidé sur présentation du projet d’initier à la pratique de la méditation dans les 31 prisons du Sénégal. Et, les résultats de ces séances populaires de méditation étaient merveilleux et opérationnels. De la tranquillité dans les prisons à la réduction du taux de récidive, la méditation faisait des miracles dans les prisons.

Malheureusement, le projet qui devait se pérenniser et élargir son champ a buté, tenez-vous bien, sur un manque de financement. Ou plutôt sur un manque advenu de volonté.

Le développement presque miraculeux mais pas impossible de pays comme la Chine ou le Japon s’est fait et se pérennise sur le socle d’une discipline populaire remarquable et d’une exemplarité commune. 

Alors qu’il n’y a que deux moyens possibles pour y parvenir même s’ils sont associables.

Or, avant que d’avoir à recourir au bâton, nous devons avoir épuisé toutes les voies offertes avec la carotte. On en gagne en énergie positive et en facilité.

Pour le moins, s’il vient que la méditation ne serait pas appropriée pour cela, ce qui pour le moins demeure approprié c’est la nécessité de recourir à d’autres méthodes pour réussir le pari de l’éducation populaire des enfants à l’école et au daara et des adultes par des médiums disponibles et adaptables.

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