AccueilActualitésPolitique migratoire : Le Sénégal peut-il satisfaire les États-Unis ?

Politique migratoire : Le Sénégal peut-il satisfaire les États-Unis ?

Depuis quelques mois, les États-Unis mettent la pression sur leurs partenaires notamment africains en décidant de rendre plus strictes les conditions d’obtention de visas. Donald Trump ne se cache plus derrière les formules diplomatiques, ce n’est d’ailleurs pas son genre : il veut freiner les départs et rendre à son Amérique sa grandeur. Le fameux « MAGA » va ainsi impacter le Sénégal qui, au même titre que d’autres pays du continent, doit satisfaire les exigences de Trump pour espérer défendre ses intérêts dans cette coopération

Depuis le comeback de Donald Trump, en janvier 2025, Washington redessine la carte de sa coopération avec le reste du monde. Parallèlement à la politique tarifaire tant décriée à travers la planète, le président américain engage un autre vaste sentier concernant la migration vers les Etats-Unis. Dans un ton ferme et assumé, Mr. Trump annonce vouloir freiner les départs, accélérer les expulsions, et surtout imposer à ses alliés ses propres choix de ce qui devait être une coopération bilatérale. Agissant en bon gendarme, comme il sait si bien le faire, le premier des Américains applique une restriction totale ou partielle de la migration venant de pays africains et ou musulmans.

Pourquoi le Sénégal figure-t-il sur la liste

Le 14 juin dernier, l’administration Trump a publié une liste de pays visés par une restriction des visas américains. Elle inclue principalement des pays africains dont le Sénégal, Nigeria, Bénin, Égypte, Éthiopie, Ghana, Cameroun, Ouganda, Tanzanie, Gabon, entre autres.

Durant ces dernières années, la route vers les Etats-Unis en passant par le Nicaragua a été largement empruntée par des Sénégalais pour rejoindre le pays de l’Oncle Sam. Nombre de nos concitoyens se sont ainsi embarqués dans ce voyage via l’Amérique latine et cette masse de migrants qui entrent par la frontière sud des Etats-Unis par la route du « Darièn Gap » inquiète de plus en plus les autorités américaines. Même si ce chemin paraissait dangereux et long- il fallait passer par le Brésil, la Colombie, le Nicaragua ou le Mexique- beaucoup l’ont préféré au périple méditerranéen pour rejoindre l’Europe à travers l’Espagne.

Selon des chiffres officiels publiés par les autorités américaines, plus de 60 000 Africains ont pris cette route dont 20 231 en 2023. Ce nombre grouillant de migrants s’explique par le fait que le Nicaragua avait abandonné l’exigence de visa pour accéder à son territoire à partir de 2021.

Face à cette masse grouillante de migrants sans papiers, les États-Unis demandent aux gouvernements africains d’accueillir leurs citoyens expulsés et les menacent de représailles si en plus de cela ils ne renforcent pas leurs politiques sécuritaires pour empêcher les départs irréguliers. Sur cette dernière exigence, le Sénégal a depuis un certain temps renforcé son dispositif de lutte contre la migration clandestine en mettant en place un dispositif de veille dans toutes les régions côtières du pays.

Depuis le drame de Mbour avec plusieurs dizaines de morts en 2024, les autorités actuelles ont mis les bouchées doubles pour dissuader toute velléité de départ clandestin. Et la peine de 7 ans de prison ferme infligée à Cheikh Sall, principal responsable de ce drame, lors de son procès tenu au mois de juin passé, sonne comme une volonté d’en finir avec ce fléau..

L’exigence des Etats-Unis n’entame-t-elle pas la souveraineté du Sénégal ?

La coopération entre le Sénégal et les Etats-Unis, en toutes matières, est le rapport du pot de terre contre le pot de fer. En d’autres termes, cette coopération, en ce qu’elle parait zélée au vu des termes employés par l’administration Trump, peut heurter la souveraineté nationale et l’opinion publique. On ne peut vraiment pas demander à un pays qui lutte déjà contre le chômage, la pauvreté et l’exode rural, de bloquer sa propre jeunesse. L’émigration demeure la seule alternative à l’inefficacité de la politique d’emploi mise en place par les différents gouvernements depuis quelques années.

A y voir de près, Donald Trump veut faire des Etats africains dont le Sénégal le bras armé de la politique migratoire américaine. Son « America First » n’est pas qu’un simple slogan, il met tout en œuvre pour désengorger son marché du travail qu’il pense saturé à cause des migrants. Mais ses restrictions pourraient conduire à l’Etat, s’il tente de le contenter, à violer les droits des personnes à aspirer à un meilleur avenir comme défendu par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966.

Le gouvernement sénégalais a intérêt à collaborer avec l’administration américaine certes. Mais il doit veiller à défendre les intérêts de ses citoyens. Le dialogue doit se faire sur une base souveraine et équilibrée. D’ailleurs, depuis l’élection de Diomaye Faye, une large partie de la jeunesse espère justement une politique migratoire digne, indépendante, et surtout basée sur la réciprocité. Aucune mesure ne devrait être adoptée pour contenter les Etats-Unis au détriment des droits fondamentaux des Sénégalais, ni de leur liberté de circulation.

 

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