Par Me Assane Guéye – Titulaire d’un diplôme universitaire en Relations internationales (FSJP – UCAD), chercheur en Droit public
La défaite d’Amadou Hott à l’élection à la tête de la Banque Africaine de Développement (BAD) dépasse le cadre d’un simple revers électoral. Dans cette analyse, Me Assane Guéye, juriste et chercheur en droit public, interroge les causes profondes de cet échec. Il y décèle un signal d’alarme sur la perte d’influence diplomatique du Sénégal, jadis moteur de la sous-région, mais aujourd’hui confronté aux nouveaux rapports de force imposés par l’économie mondiale et un système de lobbying international de plus en plus complexe.
Au-delà du vote, un échec à décrypter
La candidature de M. Amadou Hott à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) s’est soldée par un échec. Ce revers ne saurait être réduit à un simple jeu électoral. Il mérite une analyse plus fine des dynamiques diplomatiques, économiques et géopolitiques qui l’ont sous-tendu. Le Sénégal, pays reconnu historiquement pour sa diplomatie active et respectée depuis Léopold Sédar Senghor et surtout Abdou Diouf, semble aujourd’hui confronté à des résistances majeures dans les cercles du lobbying international.
Un leadership sous-régional affaibli
Sur le plan communautaire, le Sénégal ne joue plus aussi naturellement le rôle de locomotive de la CEDEAO. Plusieurs pays membres de la sous-région perçoivent Dakar comme de plus en plus hégémonique, voire dominateur, fort d’une diplomatie ambitieuse et d’un positionnement géopolitique affirmé. Cette perception génère des réticences à soutenir ses ambitions, même lorsque celles-ci semblent légitimes.
La diplomatie économique au cœur des enjeux
Aujourd’hui, les relations internationales sont dominées par une logique de diplomatie économique. Les États nouent des alliances en fonction d’intérêts économiques stratégiques. L’échec de M. Hott, technocrate reconnu, s’explique aussi par cette reconfiguration : sa candidature n’a pas su fédérer les actionnaires influents de la BAD, malgré ses compétences avérées.
Sa propre déclaration — « Les actionnaires de la BAD ont décidé… » — suffit à elle seule pour illustrer cette réalité : ce sont les intérêts économiques, et non les liens diplomatiques historiques, qui guident désormais les grands arbitrages.
Des poids lourds continentaux en désaccord
Sur le plan régional et international, plusieurs grandes puissances africaines et occidentales ont fait sentir leur poids. Des pays comme le Nigeria, l’Afrique du Sud ou encore l’Algérie – tous actionnaires majeurs de la BAD – ont choisi d’imposer leur propre agenda. De même, l’influence américaine, toujours présente dans les institutions financières internationales, a pesé dans le résultat final.
L’économie, talon d’Achille de la diplomatie sénégalaise ?
Plus qu’un déficit diplomatique, c’est bien la faiblesse relative de l’influence économique du Sénégal qui a été mise à nu à travers cet épisode. Une diplomatie efficace doit aujourd’hui s’appuyer sur une économie solide, dynamique et attractive. Dans cette optique, le constat du Premier ministre Ousmane Sonko prend tout son sens lorsqu’il identifie la relance économique comme le principal défi national.
Conclusion : Repenser notre positionnement international
L’échec de M. Hott est un signal. Il rappelle au Sénégal l’urgence de renforcer son appareil économique pour redevenir un acteur incontournable dans les arènes régionales et internationales. Sans puissance économique, la diplomatie, aussi brillante soit-elle, ne peut suffire à imposer une voix ni une vision.
Diplomatiquement vôtre.
Me Assane Guéye